Chronique d'une journée anormalement normale
Vers 8h00, j’enfourne mon vélo et commence un dangereux périple en direction de l’école, parcours jalonné de multiples dangers : voitures en double file, motos traçantes et rasantes, refus de priorités, gaz d’échappement, rues étroites, absences quasi-totale de voies ou pistes cyclables, absence quasi-totale de considération pour les deux roues, loi du plus fort, conduites inconsidérées, un chauffard qui me percute puis s’en va, un autre qui hurle car je n’ai pas à être percuté à un endroit où je lui fait perdre du temps, un scooter qui slalome entre les voitures arrêtées au rouge et finit sa course dans un landau poussée par une maman sur les clous…
Jusque là, tout est anormalement normal.
Sans me déconcentrer des dangers potentiels, je note quelques évènements intéressants. Ici l’eau coule abondamment dans le caniveau et pas d’homme fluo en vue pour le balayage. Là des poubelles débordent, des déchets s’entassent, on continue d’entasser, les poubelles débordent de plus belle, on continue d’entasser. Ici encore, des piétons voudraient bien traverser mais ils n’osent pas, ne s’autorisent pas, ne le conçoivent même pas… les voitures s’arrêtent rarement sauf si le piéton est bien roulé. Là, des voitures qui s’engagent sur le carrefour alors que ça se voit, ça va bloquer. Ça y est c’est complètement bloqué, mais fallait y aller, on va quand même pas laisser passer l’autre c… Symphonie de klaxons, tout le monde s’énerve, déboîte, joue des coudes. Un peu de courtoisie et de respect du code Rousseau, un peu de jujotte … (en voiture ?).
Devant l’école, des parents attendent déjà. Véhicule en double file, c’est inévitable. La meilleure place de parking est juste devant la porte, sur le passage piéton. Il suffisait d’y penser.
Aujourd’hui, une intervenante envoyée par la municipalité enseigne la sécurité routière aux enfants, où comment traverser une rue sans mourir, vaste programme. Pendant la phase pratique, sur le dit passage piéton, une seule voiture sur les huit qui passèrent s’arrêta pour laisser traverser les enfants. CQFD.
Fin de journée. Je refais le chemin en sens inverse, mais les dangers sont identiques, faut pas rêver. Les conducteurs sont encore plus énervés. Aller bosser le matin, c’est tranquille. Mais rentrer à la maison, fatigué par son travail, c’est pressé.
Fin de journée et aussi fin de semaine, ce soir c’est total chao dans la rue. On est dans le quartier des noctambules, les pros du code de la route et du civisme. Y’a qu’à se pencher au balcon pour constater les dégâts. Trois voitures en épi sur la place pour handicapés, plus un seul passage pour piétons accessible, trottoirs pris d’assauts quand c’est possible, double file en file indienne et sans scrupules, containers inaccessibles aux éboueurs, concert de klaxon des voitures bloquées par les indiens. Pas de doute on est dans la jungle.
Pendant ce temps les poubelles débordent et l’eau continue de couler dans le caniveau.
Il est 23h37 et tout est anormalement normal.