Ça commence par une virée au bout du Rhône, là où il jette ses tonnes d’eau polluées dans la mer. Pour y arriver, après passage du bac obligatoire et visite expresse des salins du midi, il faut longer la plage sur plusieurs kilomètres. C’était pas beau à voir. L’eau polluée, à côté, c’est rien. La pollution visuelle c’est quelque chose ma p’tite dame. Il s’agit de centaines de voitures, 4 x 4, camping-cars, caravanes, minibus, tentes, installés sur ce qui devait être une plage. A mi-chemin de ce yesman’s land, la pollution visuelle s’aggrave quand on passe les banderoles « Ici, on vit nu ! ». Ils devraient ajouter « … et on est tous gros, vieux et moches – le spectacle que nous infligeons est pitoyable – faites demi-tour avant d’avoir un choc irréversible ! »
J’ai fait comme ils auraient dû prévenir du risque encouru, et c’est le reste de ma petite escapade qui m’a sauvé. C’est ça qui est bien avec l’instinct grégaire. Ça te saccage un site en moins de deux, mais ça préserve tous les autres.
L’autre Camargue est beaucoup plus paisible et sauvage, bien que l’empreinte de l’homme y soit très forte. Des bassins d’eau parfois à sec, souvent vaseux et puants, abritants une multitude d’oiseaux plus ou moins farouches, séparés par des digues permettant de circuler à pieds, à cheval, à vélo… ou en bateau à voile (cf. « en sortant de l’école » de J. Prevert). Des digues conduisant aux dunes, à une plage croûtée immense et déserte, plaque chauffante géante d’où grimpent des volutes translucides floues, troublant le paysage sur 360°. On devine des choses brouillées : phare tordu, voiles de kite sans surf, dunes flottantes, arbustes mouvants, plage sans limite, mer inaccessible.
Et si… après une longue traversée.
Alors je m’y suis baigné.
Marseille, le 4 septembre 2006 à 23h09