Hasta siempre colombia - full version
En version pdf, le récit illustré de 5 semaines de voyage.
Deux options :
- clic droit sur l'image puis "enregistrer la cible du lien sous"
Bonne lecture.
Ce matin, vendredi 14 août, avant-dernier jour colombien. Je parle pour moi car pour le reste, la vie continue normalement. J’en profite donc pour visiter une réserve naturelle située aux portes de la ville où il est paraît-il très aisé d’observer quantité d’oiseaux tropicaux.
Récupérer un laissez-passer, c’est fait ; trouver un taxi pour me conduire à l’entrée de la réserve, c’est fait ; expliquer au conducteur la route étant donné qu’il n’en a jamais entendu parler, c’est fait ; quitter le goudron pour emprunter une piste boueuse, c’est fait ; me faire déposer quelques centaines de mètres plus loin par le chauffeur qui a peur de salir sa carrosserie, c’est fait ! Il ne me reste plus qu’à marcher une petite heure. Un garde m’attend à l’entrée dans cinq minutes, dommage. C’était sans compter sur la gentillesse des Colombiens et de cet ouvrier à moto qui se demandait ce qu’un gringo pouvait bien faire ici tout seul et qui me fit goûter les joies des dérapages contrôlés en deux roues. Pile à l’heure.
|
Le guide me fait faire le tour du propriétaire assorti de quelques explications. Je suis donc en mesure d’expliquer à mon tour l’histoire du site. Une grande partie de l’eau alimentant Manizales provient d’une source et d’une rivière locales, situées en l’occurrence exactement au cœur de la réserve. D’où l’idée qu’en préservant l’environnement à cet endroit on préservait aussi cette ressource naturelle providentielle, ce qui évite par exemple d’avoir ensuite à traiter l’eau avec un tas de produits au goût douteux. Putain, mais oui, c’est un raisonnement si simple, évident et efficient. C’est à se demander pourquoi les personnes « compétentes » n’agissent pas toujours de la sorte. La prévention plutôt que la répression, l’instruction plutôt que la correction, la préservation plutôt que la restauration. Grâce à cette politique, la réserve naturelle du Rio Blanco - notons qu’elle est située entre 2240 y 3700 mètres - abrite aujourd’hui une flore et une faune exceptionnelles, dont de nombreuses espèces d’oiseaux. Tout cela à une heure de marche du centre ville, soit quinze minutes d’un taxi pas trop regardant sur la propreté.
Le temps était un peu humide et couvert. Les volatiles se montraient peu et nous n’avons observé que cinq ou six spécimens. Mais le guide m’expliqua un tas de choses sur les plantes et l’histoire du lieu, avant de me conduire à une maison où des « buvoirs » accrochés au balcon attirent des dizaines de colibris, et offrent une observation très rapprochée de ces drôles d’oiseaux-mouches. En face de la maison, un ours égaré a été « recueilli » dans un enclos. Il fait un peu de peine à voir, tout seul dans son lit en filet. Heureusement qu’il conserve sa souplesse dorsale pour jouer avec son machin. Ahhhhhhhh… les plaisirs solitaires.
http://parquesyreservasnaturalesdemanizales.blogspot.com/
Nous redescendons ensuite jusqu’à l’entrée où je rencontre un ouvrier travaillant sur des ouvrages hydrauliques un peu plus haut. Environ deux semaines de mission dans les montagnes souvent froides et pluvieuse avant de redescendre en ville et en famille. Celui-là n’a pu attendre, un problème intestinal l’obligeant à faire un saut à l’hôpital. Il n’aura pas tout perdu puisque je repars demain et me « débarrasse » de quelques vêtements chauds.
Ah oui tiens, c’est vrai ça, c’est déjà la fin du voyage. Ce soir le bus de nuit quitte Manizales vers 22H00. Il arrive à Bogota environ sept heures plus tard. Le temps de finir ma nuit dans le terminal, de filer en ville, d’avaler mon dernier petit déjeuner, mes derniers empanadas, un jus de fruit (pas le dernier sans aucun doute), et c’est l’ouverture du musée de l’or auquel Pascale a consacré quatre heures de visite samedi dernier. Je ne tiens que trois heures car tout ce bling bling me monte à la tête.
C’est qu’ils étaient coquets les indigènes avec leurs parures, boucles d’oreilles et de nez, colliers, bracelets… Heureusement que les conquistadors ont fait une belle sélection en s’appropriant une bonne partie de la collection, souvent pour faire fondre les objets et frapper leur monnaie. Mais au fait, il parle de quoi au juste ce musée de l’or ? Et bien oui assurément, mais pas que ! On y voit aussi des objets en terre, bois et pierre, et l’on y apprend un tas de choses passionnantes sur ces civilisations pour la plupart disparues, mais dont des descendances vivent encore aux quatre coins du pays avec, pour certains, des modes de vie assez proches de l’original.
|
Un petit pèlerinage dans le resto où nous découvrîmes l’Ajiaco il y a plus d’un mois (cf. premier épisode), puis les traditionnelles emplettes d’artisanat signant la liquidation du porte-monnaie et la fin du voyage, suivies d’un ultime tour en bus histoire de côtoyer une dernière fois population et transports locaux, me conduisent finalement à l’aéroport international El Dorado.
|
Il est trop tôt pour faire un bilan, et j’ai encore trop de choses à savourer. Une certitude, ce pays est bluffant et n’a rien à voir avec les idées sordides qu’on tente de nous dicter. En tous les cas pas celles d’un pays de terroristes où la kalachnikov pointe son canon à chaque coin de rue, où l’on vous dépouille et vous enlève sans autre forme de procès, et où l’assassinat gratuit est monnaie courante. Enfin si, tout cela est vrai. Mais les terroristes ne sont pas ceux que l’on croit. Les assassins ne sont pas ces quelques minorités contraintes de se cacher pour résister, mais l’oligarchie dirigeante et bien visible. Les criminels ne s’appellent pas guérilleros mais paramilitaires et agissent en toute impunité. Les victimes ne sont pas des touristes mais des indigènes et autres résistants qui souvent ne réclament rien d’autre qu’une terre pour vivre. Tout cela est bluffant bien sûr car les bons touristes que nous fûmes n’y virent que du feu, visitèrent pendant plus d’un mois un pays paisible, magnifique et joyeux, pensant que les conflits avaient cessés, que les méchants s’étaient assagis, alors qu’en fait il ne voyaient que ce qu’on voulait bien leur montrer. Et ce n’est qu’à leur retour, curieux d’en apprendre un peu plus sur ce pays qu’ils aimaient, que la triste vérité apparue.
Hasta la vista Colombia pour visiter ta face cachée y hasta siempre Colombia la lucha continua !
Des infos sur la réalité colombienne :
A lire absolument :
Colombie, derrière le rideau de fumée. Histoire du terrorisme d’Etat (Hernando CALVO OSPINA)
Le Temps des Cerises éditeurs, mars 2008, 400 pages, 20 Euros
A voir absolument :
Colombie, Histoire du terrorisme d'État-1ère partie
Colombie, Histoire du terrorisme d'État-2ème partie
Colombie, Histoire du terrorisme d'État-3ème partie
Plan 2 Colombie : un plan de guerre contre le peuple
De nombreuses vidéos sur : Pantuana TV
Et pour finir sur une note plus joyeuse, voici la recette de L’Ajiaco. L’Ajiaco est LA spécialité de Bogotá, il se prépare de différentes façon mais généralement avec les mêmes ingrédients en proportions différentes. On peut simplement changer le poulet pour un morceau de viande.
Ingrédients :
16 tasses d’eau (on peut échanger 4 tasses d’eau pour 4 de lait)
500 gr de patate criollas, pelées et coupées en rondelles
1 Kg de patates paramunas, pelées et coupées en rondelles
750 gr de patates sabanerass, pelées et coupées en rondelles
1,5 Kg de poitrine de poulet (ou blanc de poulet)
4 maïs tendres, coupés en morceaux
3 oignons long
4 gousses d’ail
1 bouquet guascas (herbe aromatique de Bogotá)
1 bouquets de cilantro (autre herbe aromatique, ressemble à du persil avec le goût
e la coriandre)
1,5 tasse de crème de lait
4 avocats, coupés
1 tasse de câpres
Sel et poivre
Préparation :
Mettre les poitrines, les patates, les oignons longs, sel et poivre à cuire dans l’eau et le lait. Mélanger régulièrement et laisser entre 45 min et 1 heure, jusqu’à ce que la viande et les patates soient cuites, qu’elles commencent à se morceler. Ensuite enlever le poulet et les oignons et mettre le maïs, qui ont été cuit préalablement, et conserver le tout à feu doux jusqu’à obtenir la texture souhaitée. On ajoute la guascas 5 minutes avant de servir.
Juste avant de servir remettre le poulet (il peut aussi se servir à coté) et servir comme une soupe avec le maïs, le poulet et le reste. Mettre dans un bol la crème et dans un autre les câpres. Chacun les ajoute dans son assiette à son goût. De même avec les avocats.
Finalement, me voilà à Manizales, chef lieu de la région de Caldas. La ville n'a pas grand intérêt, en tous les cas pas par la beauté de ses monuments ou son charme pittoresque. On vient à Manizales pour ses environs, en l'occurrence la zone caféière où de nombreuses fincas proposent une visite guidée de la production, et aussi pour le parc national de Los Nevados dont le sommet culmine à 5400 mètres, et que l'on peut approcher en une journée sans aucune difficulté, moyennant l'aide d'un tour opérateur. Pour faire le malin, je choisis une autre option afin de randonner trois jours dans le parc à l'écart du circuit touristique classique. Le tour opérateur en question, très serviable, me dégote un petit vieux qui fera office de guide ; même service mais à un prix défiant toute concurrence. Après avoir fait le plein de provisions ensemble, rendez-vous est pris pour demain matin 3h30.
|
Il est à l'heure le bougre. Le taxi nous dépose à l'autre bout de la ville, en pleine nuit dans une rue déserte. Un homme passe, dissimulé sous un passe-montagne et un pancho, un parapluie à la main, accompagné d'un chien. Mon petit vieux et l'homme discutent le bout de gras comme de vieux copains. Arrive un autre gars, puis un motard livreur de journaux qui fait le plein de sucettes chez l'épicier dont le rideau vient de s’ouvrir. Il est 4h30. Café tinto pour tout le monde. D'autres arrivent encore, sortant d'on ne sais où, venant ici on ne sait pourquoi. Enfin, arrivent une chiva géante et une jeep. Il est 5h30. Nous prendrons la jeep. Le temps de changer une roue et de faire tomber trois fois la voiture à cause d’un crick malveillant, et nous voilà partis. Il est 6h00. Je comprends rapidement le pourquoi de ce lieu de rendez-vous incongru quand nous arrivons au bout de la rue, que sans transition, nous quittons la ville et grimpons sur une piste. La chiva géante nous suit avec à son bord des passagers, du matériel et sans doute des provisions. On n'a pas fait plus de trente kilomètres, mais ça a pris trois heures. Je ne savais pas qu’une voiture pouvait physiquement passer par une route aussi mauvaise. D'ailleurs, ce n’est plus une route mais un tas de cailloux et de trous disposés en long à travers la montagne. La piste dessert des fincas, et permet également de collecter le lait. Nous sommes les derniers à descendre, quelque part au milieu de nul part. Et justement, au milieu de nul part, à 3500 mètres d'altitude, voici venir un VTTiste super équipé (sac à dos, duvet, tapis de sol, vêtements techniques), qui se trouve être un très bon ami de mon petit vieux. Dans ce paysage semi désertique, cette rencontre est des plus improbables, tout comme celle d'un militaire accompagné de sa fidèle mitraillette, et chargé de surveiller le secteur. Mais où est l'ennemi ? Tout seul et étant donné l'étendue du domaine, c'est pas évident qu'il le trouve.
Nous chargeons les sacs à dos et suivons la piste qui continue doucement sa montée. Aujourd'hui Jairo a prévu une petite étape histoire de nous acclimater à l'altitude, avant d'attaquer la grosse étape de demain. Pour commencer, nous allons voir les fermiers et tenter de se faire servir un petit déjeuner. Non seulement servi, mais aussi offert : café con leche en direct de la vache et beignets de maïs en direct de la marmite huileuse. Cette halte est l'occasion de découvrir l'intérieur d'une cuisine et de constater qu'elle ressemble à ce qui se faisait chez nous il y a quelques années en dehors des villes, c'est à dire une grande pièce pouvant accueillir les repas, encombrée d'un immense fourneau à bois faisant office de chauffage le soir et l'hiver (bien qu'ici les saisons ne soient pas bien distinctes). En échange de ce ravitaillement, le guide offre à tous les pensionnaires de la ferme, des biscuits et autres sucreries, nourriture providentielle dans un coin de montagne aussi isolé. Les pensionnaires en question profitent de cette belle journée ensoleillée pour opérer les bovins. Au début, je ne comprenais pas bien l'objet de la chirurgie. Une vache allongée sur le côté à qui l'on trifouille le bas ventre pour en extraire un truc sanguinolent, sorte de kyste géant. Quand la suivante est arrivée, j'ai tout de suite compris (ne me demandez pas comment j'ai fait), qu'il s'agissait de taureaux et que le kyste en question était une couille. Pas de chichi ni d'anesthésie locale, un coup de bistouri, une incision, une couille dépecée sur laquelle on tire, entortillant les « canaux » afin qu'il n'en reste plus un centimètre, un coup de bistouri pour sectionner le « canal », et la couille fini sa course dans un seau où flotte déjà plusieurs paires. L'animal est libéré, magie de la chirurgie et métamorphose du taureau, il est devenu boeuf.
Ragaillardis par ce petit déjeuner paysan et cette expérience délectable, nous reprenons la marche en direction de l'entrée du parc. Autour de nous, des montagnes, pâturages pour les plus douces, couvertes de neige pour les plus hautes, une végétation assez basse sans doute contrainte par le vent et la température nocturne, un petit air de steppe mongoles, en tous les cas de grands espaces et de tranquillité. Trois heures plus tard, nous posons les sacs à dos dans une pièce minable appartenant à une finca un peu délabrée, tenue par un jeune couple. Seuls quelques chevaux broutant aux alentours leur tiennent compagnie. A 3850 mètres et loin de tout, je me demande bien de quoi ils vivent et comment ils occupent leurs journées. Fin de la première étape, nous visitons les environs et constatons rapidement que ces confortables touradons sont propices à une sieste abritée du vent. Le coucher de soleil est magnifique, d'autant plus qu'il annonce l'heure du repas que nous partageons avec nos hôtes, dans la cuisine comme il se doit, pas bien loin du fourneau.
La fête des fleurs c'est aussi une énorme exposition d'orchidées au jardin botanique où l'on découvre un nombre incroyable d'espèces et un nombre incroyable de visiteurs. On aime plutôt les orchidées sobres, bien qu'ayant des formes naturellement complexes. Les Colombiens raffolent des compositions florales monumentales, des natures mortes bien vivantes et des bouquets kitch géants.
Pour le reste de notre séjour, Medellin se révèle une ville assez moderne et sans charme particulier. Toutes ces constructions assez récentes et disharmonieuses sont même plutôt moches, comme si autant de constructeurs avaient décidé de se lâcher la main pour désunir leurs efforts et enlaidir la ville. Malgré tout, les habitants sont hyper fiers de leur cité. Le must de Medellin se situe quelque part dans le métro au format RER, le seul du pays. C'est vrai qu'il fonctionne très bien (si la RTM pouvait s'en inspirer...), et qu'avec ses récentes connexions télécabines il permet de desservir de nombreux quartiers populaires haut perchés, autrefois enclavés et impénétrables (si la RTM pouvait s'en inspirer…).
Seule la place Botéro donne envie de se poser, d'y passer un petit bout de temps pour observer les sculptures du maître local, les groupes de musique traditionnelle, les vendeurs de tout, les papis et mamies, bref la population locale. Le musée d'Antioquia est gratuit pendant la fête des fleurs ; encore une bonne occasion de compléter nos connaissances sur Botero et d’autres maîtres colombiens, ainsi que de profiter de l'exposition Picasso présentant une centaine de dessins de l'artiste et intitulée « la suite Vollard ».
Le soir, de nombreux concerts et autres spectacles sont joués en plein air, la plupart gratuitement. Sur la Plazza Mayor, nous voyons se succéder plusieurs groupes sur le thème « Boléro y Salsa ». La majorité des Colombiens connaissent les paroles des chansons à succès ou des thèmes traditionnels. Dans certains cas, la ferveur populaire a du bon. Notre voisine et sa soeur entament la causette, puis l'apéro, et c'est finalement à coups « d'aguardente » que tout va se jouer ce soir. À la fin de la troisième bouteille, on est complètement cuits, mais elles ne veulent toujours pas nous lâcher. Heureusement, la pluie vient à notre secours, les concerts sont terminés et chacun rentre chez soi. Mais si on veut, il y'a moyen d'aller passer un week-end dans la finca familiale. Merci pour l'invitation, mais 48 heures d'aguardente ça se refuse sans façon.
À part la fête des fleurs, Medellin a d'autres atouts. Les seins que la plupart des filles se font refaire de manière assez ostentatoire. Si l'on y prête attention, et rapidement il difficile d’y faire abstraction, la chose est hallucinante puisqu'une fille sur deux passe sur le billard (d'après un sondage réalisé par nos soins auprès d'un échantillon tout à fait représentatif de la gente féminine). Et dans certains quartiers, où il est de bon ton de faire valoir ses arguments implantés, la proportion passe à 90 voire 100%. C'est le cas dans le quartier de la Zona Rosa, quartier des bars, restos, où les noctambules se pressent pour montrer gros 4x4, nouveau cabriolet, nouvelles prothèses, nouvelle poupée entièrement refaite ; quartier où les touristes en mal de fesses ont la belle vie ; quartier où l'on a rapidement bu un jus de fruits avant de s'enfuir. Non merci très peu pour nous.
Pascale rentre en France, pas moi. Une dernière soirée à Medellin, un dernier concert de variétés colombiennes. Musicalement, c'est assez mauvais, mais la place est bondée, tout le monde chante et danse, ils adorent et finalement c'est plutôt bon. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait l'aller-retour à pieds depuis l'hôtel car à part traverser le quartier des bars à putes et des rues désertes, j'avais rien à gagner à part une petite montée d'adrénaline made in Medellin. Mais puisque ça rime...
Pour les curieux :
Histoire de la fête des fleurs
Reportage vidéo sur Pablo Escobar et le cartel de Medellin
Le bateau nous promène dans un premier temps dans l’archipel del Rosario où l’eau turquoise abrite des îles plus ou moins minuscules, des maisons sur pilotis, des petites plages et autres criques paradisiaques. Une escale d’une heure dans l’une d’elle permet aux intéressés de visiter en option payante l’aquarium à requins et dauphins. Nous plongeons dans la mer pendant cette pause, et incontestablement la mer ressemble à un aquarium géant. En début d’après-midi, le ferry repart et nous débarque en face de Playa Blanca. Le billet aller-retour nous donne également droit à un repas en compagnie de tous les autres passagers à l’arrière de la plage, ainsi qu’à une heure de baignade et bronzage avant que le bateau ne reparte. Nous restons dormir sur place deux nuits, dans des hamacs installés sur la plage.
A partir de 16 heures, l’endroit se vide des touristes, des lanchas et des vendeurs. La plage est à nous et quelques autres ayant choisi l’option Robinson. Pas d’électricité, pas de bruit autre que celui du ressac et quelques bribes de conversations, des oiseaux, aboiements de chiens errants, la lune éclairant l’immense plage de sable blanc, si intensément qu’on y voit comme en plein jour, et au-dessus de laquelle viennent se pencher langoureusement quelques cocotiers. Le matin, calme absolu, pas un brin de vent, pas une ride sur l’eau, le bon moment pour une exploration snorkling des coraux. Toujours aussi épatant cet aquarium naturel. Petit déjeuner sur la plage histoire de se mettre en jambe, puis les activités s’enchaînent et se succèdent à un rythme effréné pendant deux jours : s’allonger, se chauffer au soleil, se baigner, abaisser la température du corps, se réhydrater, un peu de crème, s’allonger à nouveau, changer de côté, de temps en temps gagner l’ombre, refaire les mêmes gestes inlassablement, puis, sans trop forcer, visiter les environs le bout de la plage et la petite lagune. Beaucoup d’efforts sous un tel cagnard. Dimanche, la playa blanca est noire de monde et ce n’est pas un mauvais jeu de mots. Toutes les familles et groupes d’amis se concentrent sur la partie « aménagée » de petites cabanes, chaises longues et pare-soleil, juste à la limite de notre campement. La presqu’île des Robinsons devient le théâtre d’un pique-nique géant, un spectacle surprenant où la foule envahit progressivement l’endroit paisible et désert il y a quelques instants, où les canettes de bière n’ont de concurrence que des bouteilles de rhum, et où les glacières providentielles et bondées sont au centre du décor. Pas très discrets ces Colombiens, un peu grégaires, mais bel et bien vivants.
(1) aussi appelé par ses rédacteurs « guide du petit futé », allez savoir pourquoi ; ils ne l’ont sans doute jamais utilisé - CQFD
Les rues sont une succession de magnifiques bâtisses, généralement à un étage, aux façades joyeusement colorées, aux portes énormes en bois serties de « clous » ciselés, et portant chacune un beau heurtoir. C’est devenu une habitude, mais ici encore plus qu’ailleurs, les maisons abritent d’admirable cours intérieures plantées d’arbres et de fleurs, entourées de colonnes soutenant un balcon desservant tout l’étage, et à l’ombre duquel on vient se reposer. Mais en la matière les couvents de la ville font beaucoup mieux que les maisons. La plupart, également conçu autour d’un grand patio et aujourd’hui reconvertis en hôtel de luxe, sont réellement splendides. Carthagène abrite aussi de nombreuses églises dont la cathédrale vaut son pesant de lustres géants pendus au plafond, ainsi que de nombreuses places où il fait bon siroter un café frappé, assister à des danses folkloriques données en notre honneur de touriste, dégoter un petit souvenir artisanal du genre maillot de foot en nylon ou simplement observer la population locale. Mais il faut aussi savoir sortir des sentier (battus en notre honneur de touristes) pour affronter une autre réalité, tout simplement la réalité, en allant flâner autour du marché bruyant et coloré, dans les rues populaires et assurément moins propres, là où les maisons défraîchies attendent un hypothétique ravalement de façade, là où les artisans travaillent dans de minuscules ateliers, là où l’on trouve le menu typique du jour avec sa soupe, son riz, son morceau de poulet, ses bananes plantains et sa boisson pour un euro cinquante, bref là où la ville n’est pas que le pays des bisounours.
Il paraît que la ville grouille d’endroits pour sortir, boire des coups, danser et faire la fête. Mais quand on voit comment s’habillent les touristes de notre hôtel pour sortir, quand on voit comment tout est organisé pour que le gringo se sente chez lui, on imagine la catégorie de population locale concernées par les bars de nuit et on préfère tout simplement se la jouer pantoufle sur la terrasse, dans la cour ou le dortoir de l’hôtel. Et c’est ainsi que nous émergeons tôt le matin, et c’est ainsi que nous partîmes de bonne heure pour Playa Blanca.
Et c’est parti pour six jours de randonnée dans le parc de la Sierra Nevada de Santa Marta à la recherche de la Ciudad Perdida. Comme tout le monde, nous passons par un tour opérateur, en l’occurrence l’agence Turcol, pionnière dans la région et apparemment la seule à avoir véritablement l’autorisation de circuler dans le parc (les autres agences sont en quelque sorte sous-traitant). Même pour de grands baroudeurs comme nous, voici quelques bonnes raisons de passer par une agence : 1. La région abrite encore des Farc, enfin ce qu’il en reste, mais on ne sait jamais avec des zozos pareils - 2.C’est grave la jungle et même s’il existe des sentiers, ça serait un peu dommage de se perdre - 3. La forêt est peuplée d’indigènes, vivant quasiment en autarcie, suivant quasiment les mêmes traditions que leurs ancêtres arrivés ici vers l’an 500 et ayant réussi à échapper et survivre à l’invasion espagnole ; et pour mieux connaître et respecter leur mode de vie, rien de tel qu’un guide - 4. Porter les provisions pendant six jours dans une jungle moite, non merci.
Notre petit groupe se compose de sept personnes (français, franco-colombien, norvégien et USA), d’un guide, d’un cuistot et d’une mule. Le « treck » consiste en un aller-retour du camp de base, un petit village proche de l’entrée de la sierra, jusqu’à la ciudad perdida. A l’entrée du parc, tout le monde descend du 4 x 4 pour une fouille des sacs par des militaires armés jusqu’aux dents. Ça veut dire qu’on est bien protégé, en sécurité, ou alors au contraire qu’il y a un danger potentiel, et si oui lequel ?
Après un petit repas de bienvenue, nous quittons le village et pénétrons au cœur du problème. Pendant toute la balade, nous marchons à travers une jungle épaisse, à la végétation totalement délirante, démesurée et singulière, stoppant de temps à autre pour une petite baignade, une photo, reprendre son souffle ou pour faire escale. Les repas concoctés par le cuistot sont excellents et variés, à faire baver d’envie le groupe avec qui nous « partageons » les bivouacs. Partage pas très équitable puisque nous arrivons toujours les premiers et que Beto, notre guide sans pitié, nous réserve toujours les meilleures places. Et pourquoi arrivons nous toujours les premiers. Parce que dans notre groupe, il n’y a pas de boulet, uniquement des bons marcheurs, mais à la cool. Bref, très bonne ambiance.
Régulièrement, nous croisons des indigènes sur le chemin ou devant leur hutte. Drôle de rencontre, un peu gênante ; en fait de rencontre c’est plus un contact furtif, sans véritable échange. Le guide nous explique leur mode de vie, leurs traditions, leur culture. Nous essayons d’imaginer le reste : vivre selon les mêmes rites et coutumes, isolés dans la jungle, coupés du reste du monde depuis 1500 ans. C’est épatant, beau, émouvant, et en même temps nous sommes là, à les regarder, les observer comme des bêtes de foire, forcément à les influencer et sans doute à modifier certains comportements. Quel dilemme : venir voir tant de splendeur, découvrir les traces d’une très vieille civilisation dont les descendants actuels perpétuent immuablement les gestes, avec le risque d’en modifier certains ; ou alors s’interdire tout rapprochement pour les laisser coupés de notre société, continuant à évoluer naturellement. Quoiqu’il en soit, la petite séance photos d’une famille devant la hutte était de trop à mon goût, et avait des airs de promenade au zoo.
Dans la forêt, tout est surprenant : le nombre de plantes au mètre carré, la hauteur des arbres, la taille des feuilles, la quantité de moustiques, la forme des fleurs, la couleur des papillons, la multiplication des colonies de fourmis et la quantité de végétaux qu’elles transportent, la décomposition des feuilles, la beauté des torrents, des cascades ou des rivières, la splendeur des points de vue, les litres de sueur dans les montées, le plaisir à répétition des baignades pour nettoyer tout ça, et pour couronner le tout, après trois jours de marche et l’ascension d’un interminable escalier de 1200 marches en pierre, l’arrivée à la Ciudad Perdida.
Pas de fouille cette fois, mais une présence militaire bien affirmée. L’ambiance est détendue : match de foot, discussion et photos avec les touristes. Pure prévention ou danger réel, il semble que les Farc sévissent encore dans la région même si la dernière affaire d’enlèvement concernant des touristes remonte à 2004.
Nous découvrons une ancienne cité indigène, ayant du abriter quelques 2400 personnes, aujourd’hui abandonnée mais dont les vestiges en partie restaurés témoignent de la civilisation et de la culture indigènes. 240 maisons construites en terrasses sur les flancs d’une montagne en forme de « dorsale » et dont la partie plate et haute abritait le centre du village, la maison du chaman, celles des chefs de cérémonie, et la place des offrandes. Des maisons en bois et en palmes, il ne reste que les soubassements en pierres de forme ronde comme autant de petites placettes circulaires. C’est bien assez pour imaginer la masse d’efforts déployés pour en arriver là. De la cité il reste également l’ensemble des escaliers et des sentiers en pierres permettant d’accéder au village, de desservir les maisons, et de relier les villages entre eux. Du haut de la cité, la vue est incroyable : devant nous les places circulaires en pierres, garnies d’une pelouse digne des meilleurs greens ; autour, des arbres magnifiques dont ces espèces de palmiers au feuillage improbable ; de part et d’autre, vallées et montagnes recouvertes de jungle impénétrable d’où dépassent par endroit les susdits palmiers ; derrière nous, ça grimpe encore vers une splendide et inaccessible cascade. On se sent tout petit, tout perdu de tout, admiratifs et fascinés par tant de beauté et d’ingéniosité. Ciudad Perdida et Matchu Pitchu même combat.
Comme le groupe marche bien, nous rentrons à Santa Marta en deux jours au lieu de trois. Prochaine étape Carthagène.
Pour les curieux :
- Corazon del Mundo : pour le petit cours d’histoire-géo complet sur l’endroit
- Rapport du UNHCR sur la situation des Farc